Thomas Coville : Recommencer tous les jours comme si c'était le premier / Sport

C'est à Alicante que nous retrouvons Thomas Coville quelques jours avant le départ de la course autour du monde en équipage et en monocoque. Le skipper de SODEBO qui embarquera samedi 05 novembre 2011 sur GROUPAMA 4 comme chef de quart et barreur aux côtés de Franck Cammas et des neuf autres équipiers du Groupama Sailing Team, révèle les dessous d'un mois espagnol consacré à l'entraînement et à la mise au point final du bateau.




Seul concurrent français engagé dans cette épreuve d'excellence, GROUPAMA 4 s'apprête à rivaliser avec les meilleurs équipages de la planète monocoque. Thomas Coville analyse pour les premières confrontations qui se sont déroulées entre ces six bateaux construits en fibre de carbone. Conçus pour affronter pendant neuf mois des conditions exigeantes et extrêmes, les six fusées engagées vont s'affronter 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 avec passion et dans un monde sans pitié.

« Quel étrange automne que cet automne hispanique ! Pas facile de trouver son rythme. Ces neuf étapes qui sont comme neuf marathons de presque trois semaines se profilent à l'horizon. L'effort sera long et usant et pourtant le rythme est déjà élevé !

Doit-on tout lâcher maintenant, pendant qu'il est encore temps de travailler et progresser, ou doit-on être confiants et ne pas céder à la pression qui doucement s'installe sur nos épaules ?

Je revis avec passion cette émulation qui émane du groupe et je me nourris de ce sentiment tous les jours. Quelle différence incroyable que celle du solitaire face à ses choix ! Le groupe est parfois complexe et pesant mais il porte et vous apporte tellement de confiance. Je ne peux pas comparer cette nouvelle expérience avec mon dernier départ de Brest sur Sodebo tellement ils sont différents, mais je jubile de vivre leur complémentarité. Seul j'assume tout, ici je partage. Dans les deux cas je grandis et je le sens.

Ce mois d'octobre passé à Alicante pour cette dernière ligne droite aura été bien studieux. Les navigations se sont enchainées presque quotidiennement et la mise en pression s'est effectuée au fil des jours sans que nous ayons vraiment vu le temps passer. Cette ville tournée vers la mer, surplombée par cette citadelle fortifiée, est notre nouvel univers mais c'est surtout la présence des cinq autres concurrents qui a, d'un seul coup, modifié l'atmosphère. Lors de la séance de contrôle de jauge, chacun a dévoilé ses dessous chics, et les différences si longtemps gardées secrètes sont apparues au grand jour. Une fois de plus, alors que l'on aurait pu attendre que toutes les idées convergent vers un seul point après plusieurs années d'études, les caractères de chacun sont restés bien marqués.

Depuis, les conditions presque estivales donnent à chaque navigation une note presque irréelle pour cette saison. La lumière si forte encore en pleine journée, les couleurs flamboyantes le soir au coucher du soleil offrent un cadre magique pour le prélude de ce nouveau tour du monde. Il n'y a que six bateaux dans cette compétition et pourtant il ne manque personne !

L'Assembly day, le 3 octobre, a donné le feu vert à l'autorisation des compétitions entre les équipes et les matchs entre bateaux n'ont pas tardé. Le niveau est exceptionnel et les vérités tombent comme des hachoirs. Une seule confrontation vaut plus que n'importe quel entraînement seul à Lorient pendant des semaines.

Nous avons eu une première confrontation qui a tourné à l'avantage du local de l'étape, Telefonica, dans des conditions parfois très « méditerranéennes ». Ce premier parcours d'aller-retour aux Baléares s'est fini par un mano à mano contre le bateau Néo Z, Camper, que nous avons gardé derrière nous de quelques longueurs.

Notre équipe est jeune et déborde d'énergie, d'envie d'en découdre. Notre appétit de grandir se lit dans chacune de nos sorties. Virer, empanner, prendre de meilleurs départs, enchaîner les manoeuvres jusqu'à ne plus sentir les épaules et les bras qui tournent ces fameuses manivelles pendant des heures tous les jours.

Remettre parfois des fondamentaux en cause pour ne rien laisser au hasard. On décortique à la vidéo, on chronomètre, on recommence et on progresse un peu tous les jours. Chercher l'excellence en sachant qu'il n'y a que l'expérience qui nous apportera la solution alors on cherche la situation et on veut grandir. Studieuse, pugnace, concentrée et motivée, à terre comme sur l'eau, toute cette équipe est rentrée dans ce qui devient une vie dans une vie, un village dans une ville. La Volvo Ocean Race. Cette course autour du monde en équipage de neuf mois où chaque détail compte et où il faut être prêt à recommencer tous les jours comme si c'était le premier.Thomas Coville.